Mineros : Quand l’or façonne bien plus qu’une mine, une communauté
Cet article est un complément à l’analyse Mineros publié le 18 Février 2025 sur ce même site:
Analyse de Mineros SA
Je rentre de Colombie où j’ai visité plusieurs sites miniers, dont l’exploitation alluvionnaire de Mineros S.A..
Mineros : Quand l’or façonne bien plus qu’une mine, une communauté
Juliette Maurel, pour Recherche Bay, 17 Février 2025.
Je ne prétends pas être une experte de l’industrie minière – je n’ai d’ailleurs aucune connaissance technique dans ce domaine. Avant ma première visite d’une mine d’or comme celle de Mineros, j’avais certains préjugés : l’exploitation de l’or est souvent illégale et dangereuse, les mines dégradent l’environnement, alimentent des conflits, imposent des conditions de travail difficiles…
Pourtant, cette visite sur le terrain, au cœur des opérations de Mineros en Colombie, m’a fait voir une autre réalité. Située dans la région du Bajo Cauca Antioqueño, à environ 300 km au nord-est de Medellín, l’exploitation minière de Mineros repose sur un modèle alluvial unique, utilisant des dragues à succion et à godets pour extraire l’or des sédiments de la rivière Nechí.
Dès les premiers instants, avant même d’explorer la mine elle-même, un aspect m’a immédiatement frappée : l’atmosphère profondément communautaire qui y règne.
Juan, mon guide pour la journée, me l’a d’ailleurs confirmé : ici, tout le monde se connaît, et le travail d’équipe est une valeur essentielle. Mais cet esprit de cohésion ne se limite pas aux seules relations professionnelles. L’entreprise a mis en place de nombreux programmes sociaux pour les habitants de la région, soutenant l’éducation, la formation et l’inclusion économique des communautés locales.
Un Engagement Environnemental Concret
Ce qui m’a réellement impressionnée, au-delà du discours institutionnel, c’est la manière dont Mineros intègre le développement durable dans ses opérations quotidiennes. En 2023, l’entreprise a reçu la certification "Zero Waste Management System", devenant la première société minière colombienne à l’obtenir.
Sur place, j’ai pu voir comment ce programme de gestion des déchets est appliqué :
76,6 % des déchets dangereux et non dangereux sont réutilisés ou recyclés.
L’entreprise a mis en place un centre d’économie circulaire, transformant les déchets en ressources utiles.
L’eau est un autre sujet majeur. Mineros Colombia utilise de l’eau de surface, la traite pour la rendre potable et assure un suivi strict pour éviter tout gaspillage. J’ai appris que l’entreprise met en œuvre des programmes de formation pour sensibiliser ses employés à une consommation responsable.
Mais ce qui m’a le plus marqué, c’est leur engagement en faveur de la biodiversité. Lors d’une visite d’un programme de reforestation, j’ai découvert que 85 000 arbres avaient été plantés en 2023 dans la région du Bajo Cauca. L’entreprise protège également des espèces menacées, comme la tortue de rivière (Podocnemis lewyana) et le singe hurleur roux (Alouatta seniculus).
Mineros travaille à diversifier l’économie locale, avec la volonté d’accompagner les communautés dans l’après-mine. Loin de se limiter à l’extraction d’or, l’entreprise cherche à valoriser les atouts de chaque région, à soutenir les entrepreneurs et à dynamiser les marchés locaux.
En Colombie, Mineros aide directement des familles issues de communautés agricoles et de groupes ethniques. Concrètement, cela passe par un accompagnement technique, un appui commercial et la fourniture de matériel essentiel pour développer des activités alternatives.
Quand l’Exploitation Minière Devient un Modèle de Formalisation
Durant mon séjour, une des discussions les plus intéressantes que j’ai eues concernait l’orpaillage clandestin, un problème omniprésent en Colombie. Lors d’un trajet en bateau, j’ai aperçu des groupes de mineurs illégaux travaillant le long de la rivière Nechí. Juan m’a expliqué que plutôt que d’entrer en conflit avec eux, Mineros privilégie le dialogue et l’intégration.
L’entreprise a mis en place un modèle de formalisation permettant aux mineurs artisanaux de travailler dans un cadre légal, respectueux de l’environnement et socialement acceptable.
764 emplois ont été créés en 2023 grâce à ce programme (191 directs et 573 indirects).
Les mineurs désormais enregistrés paient des taxes et des redevances, tout en bénéficiant d’un encadrement réglementaire.
En Colombie, impossible d’ignorer l’impact de l’or sur l’économie locale. Mais derrière le métal précieux, il y a une réalité bien plus complexe, celle des tensions entre les mines industrielles et l’orpaillage clandestin. J’en ai eu un aperçu frappant lors de ma visite chez Mineros, une entreprise qui tente une approche différente pour répondre à un défi majeur : la prolifération des mineurs illégaux.
Avant d’arriver sur le site, on m’avait déjà parlé de la situation à Buriticá, où la société chinoise Zijin Mining fait face à une véritable occupation de sa mine par des orpailleurs clandestins.
Plus de 60 % des tunnels de la mine sont désormais hors de son contrôle, exploités dans des conditions précaires par des centaines de mineurs illégaux, souvent liés à des groupes criminels comme le Clan du Golfe. Cette situation a dégénéré en un conflit ouvert, avec des affrontements armés, des effondrements de galeries et une pollution massive au mercure et au cyanure.
Chez Mineros, le discours est tout autre. Dès mon arrivée, Juan, un des responsables locaux, m’a expliqué l’approche de l’entreprise : « Nous ne pouvons pas forcer ces mineurs à se formaliser, mais nous pouvons leur montrer les avantages d’un travail réglementé. » Ici, pas question de confrontation directe. L’entreprise a choisi une stratégie d’intégration progressive, en accompagnant les mineurs artisanaux vers une exploitation légale. L’idée est de leur offrir un cadre économique viable sans les exclure brutalement.
J’ai pu observer sur le terrain comment cette politique prend forme. Mineros a mis en place un modèle de formalisation qui repose sur trois principes : coexistence et légalisation, responsabilité fiscale et environnementale, et participation communautaire. Concrètement, les mineurs artisanaux sont encouragés à rejoindre un programme qui leur permet de travailler dans un cadre réglementé, en bénéficiant d’un accompagnement technique et en accédant au marché officiel. En 2023, cette initiative a permis la création de 764 emplois directs et indirects.
Mais le plus frappant, c’est la manière dont ce modèle change la dynamique sociale. Contrairement à d’autres régions où les tensions entre mineurs industriels et artisans explosent, ici, le dialogue est privilégié. Mineros ne cherche pas à évincer brutalement les mineurs informels mais à leur donner une alternative. Juan m’explique : « Ce sont des gens du coin, on se connaît tous. Si on leur tourne le dos, ils n’ont pas d’autre choix que de basculer dans l’illégalité. » A El Bagre, tout le monde se connaît!
Cette approche permet aussi de limiter l’impact environnemental. En intégrant les mineurs artisanaux dans un cadre formel, Mineros impose des normes strictes sur la gestion des déchets et l’usage des produits chimiques. Exit le mercure et le cyanure utilisés sans contrôle, sources majeures de pollution dans les exploitations illégales. C’est un point crucial, surtout quand on voit les ravages causés par l’orpaillage clandestin ailleurs dans le pays.
Bien sûr, cette stratégie ne règle pas tout. Il reste une part importante de l’orpaillage qui échappe encore au cadre légal, et l’État peine à faire respecter la loi dans certaines zones reculées. Mais en choisissant de ne pas s’enfermer dans un rapport de force, Mineros prouve qu’il existe une autre voie, plus pragmatique et moins conflictuelle.
L’exemple de Buriticá montre à quel point la situation peut dégénérer lorsqu’une entreprise ne parvient pas à gérer cette problématique. À l’inverse, chez Mineros, l’intégration des mineurs artisanaux semble offrir un moyen plus durable de cohabiter. Reste à savoir si ce modèle pourra s’étendre à d’autres régions, ou si la pression économique et sécuritaire finira par imposer des méthodes plus radicales. Une chose est sûre : ici, l’or n’est pas qu’un métal, c’est aussi une question de survie et d’équilibre social.
Les Défis d’une Exploitation Responsable
Malgré ces initiatives positives, Mineros doit faire face à des défis majeurs. En 2023, l’entreprise a dû suspendre ses opérations pendant 18 jours en raison de protestations de mineurs informels. Ces tensions sociales sont récurrentes dans le secteur et compliquent l’exploitation.
L'intégration de la population locale dans les activités de Mineros est un enjeu clé, que ce soit par l'emploi direct ou par des programmes de développement social sur les terrains réhabilités. Tous ne peuvent pas rejoindre l’entreprise, en raison des compétences techniques requises pour l’exploitation alluvionnaire industrielle. Pour ces communautés, Mineros a mis en place des projets agricoles sur des terres réservées à cette activité, offrant une alternative économique durable.
Juan m’a confié que la première approche, qui consistait à attribuer des parcelles agricoles à des familles, s’est révélée insuffisante. Beaucoup, en quête de revenus supplémentaires, louaient discrètement une partie de leurs terres à des exploitants illégaux. Pour pallier ce problème, Mineros a opté pour un modèle de fermes communautaires, un système où la gestion collective empêche ces dérives. Lors de ma visite sur l’un de ces sites, j’ai pu constater à quel point cette approche est prometteuse. Non seulement ces exploitations génèrent des revenus décents pour les communautés locales, mais elles contribuent aussi à restaurer le paysage riverain du fleuve Nechí. Sur ces zones reboisées et réhabilitées, la nature reprend ses droits, redonnant à ces terres la splendeur d’antan. L’écotourisme pourrait même y trouver sa place. Dans cette région unique de Colombie, ce type d’initiative pourrait à terme faire du Bajo Cauca une destination prisée pour son paysage et sa biodiversité exceptionnelle.
La valorisation des résidus sablonneux est une autre piste envisagée par Mineros. Ces matériaux issus de l’exploitation alluvionnaire pourraient être réutilisés pour le terrassement, la construction de routes ou encore les remblais. Actuellement, l’exploitation industrielle requalifie intégralement ses propres rejets, mais un défi demeure : les résidus issus des anciennes exploitations illégales encore présents sur certaines parcelles. À l’avenir, Mineros pourrait être amené à les revaloriser, une perspective qui, loin d’être un fardeau, pourrait bien représenter une opportunité économique intéressante.
D'après le rapport de durabilité 2023 de Mineros, l'entreprise a investi 796,4 millions de COP dans 32 projets en Colombie afin d'améliorer les conditions de vie des communautés locales. Parmi ces initiatives, on peut citer :
La construction d'un centre d’accueil pour les populations indigènes à Puerto Claver, dans la municipalité d’El Bagre, bénéficiant à 215 familles ;
L'amélioration de la route de Vereda Jala Jala, dans la municipalité de Zaragoza, profitant à 100 familles ;
La mise en place de systèmes d’adduction d’eau et de réseaux d’eau potable dans la Vereda San Pedro Medio, municipalité de Nechí, impactant 45 familles ;
La construction d’un espace communautaire dans la Vereda Puerto Astilla, municipalité de Nechí, bénéficiant à 200 familles ;
L’installation d’unités sanitaires de base dans la Vereda La Esperanza, municipalité de Nechí, soutenant 12 familles ;
L’aménagement d’un terrain sportif dans la Vereda Guamo Cuachí, municipalité d’El Bagre, offrant un espace à 40 familles.
On pourrait également mentionner, dans le rapport de durabilité, d'autres initiatives ayant un impact social dans la région d’El Bagre.
L’élément clé reste l’adhésion des communautés à ces initiatives.
Le processus d'acceptation sociale de Mineros repose sur une consultation régulière des parties prenantes afin d'évaluer la perception des communautés locales vis-à-vis de ses opérations. Selon le rapport de durabilité 2023, Mineros mesure son "permis social d’opérer" en appliquant le modèle de Thomson et Boutilier, qui définit cette licence comme l'acceptabilité d'une entreprise par la communauté locale.
Pour garantir cette acceptabilité, Mineros engage un dialogue avec ses parties prenantes au moins tous les deux ans. La dernière évaluation du permis social a débuté au premier semestre 2022 pour le Nicaragua et à la fin de l’année pour la Colombie, avec une publication des résultats en 2023. Cette étude a révélé que les activités de Mineros dépassaient les seuils d'approbation requis, le score colombien étant de 72/100
Il est intéressant de noter que le score d’acceptation sociale au Nicaragua atteint 84/100, un niveau nettement supérieur à celui de la Colombie. Autrement dit, le modèle nicaraguayen bénéficie d’une bien plus grande adhésion des communautés locales. Cela rejoint ce qu’Ann Wilkinson, responsable des relations investisseurs, m’a répété tout au long de la visite : l’un des objectifs stratégiques de Mineros est justement d’exporter les bonnes pratiques mises en place au Nicaragua vers les opérations colombiennes.
Je n’ai pas eu l’occasion de visiter les sites nicaraguayens, mais tout porte à croire que leur modèle d’intégration des mineurs artisanaux est à la fois original et efficace. Reste à comprendre pourquoi les écarts entre les deux scores sont si marqués. L’orpaillage clandestin semble être un problème bien plus prégnant en Colombie qu’au Nicaragua, ce qui pourrait expliquer en partie cette différence. Mais, faute d’éléments concrets, il est difficile d’en tirer une conclusion définitive.
Une Expérience qui Change le Regard sur l’Industrie Minière
Avant cette visite, j’avais une vision assez stéréotypée de l’industrie minière : une activité polluante, destructrice et source de conflits. Pourtant, Mineros m’a montré une autre facette du secteur.
Loin d’être une simple exploitation industrielle, cette mine est un véritable écosystème où cohabitent travailleurs, communautés locales et biodiversité. L’entreprise a su intégrer des pratiques durables et des modèles de développement social innovants, tout en maintenant une production économiquement viable.
Est-ce parfait ? Bien sûr que non. Il reste des défis à relever, notamment en termes de gestion des tensions sociales et d’optimisation des coûts. Mais si toutes les exploitations minières fonctionnaient comme celle-ci, le secteur pourrait radicalement changer d’image.
En repartant, je me suis demandé combien d’autres mines opéraient avec un tel niveau d’engagement social et environnemental. Si Mineros n’est pas un cas isolé, alors peut-être que l’avenir de l’exploitation minière responsable est déjà en train de se dessiner.
Juliette Maurel
pour Recherche Bay, 17 Février 2025.
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